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Alors que je vais traverser
la rue Danton pour me retrouver sur la place Saint-Michel j'aperçois
sur le trottoir d'en face un couple qui va traverser en sens inverse.
Ils s'embrassent sous mes yeux en attendant que le flot des voitures
cesse. Je décide de les suivre. Ils empruntent la rue Saint-André des
Arts jusqu'au carrefour de Buci. Là ils entrent dans un magasin de vêtements
qui s'appelle je crois bien Gudule. Je les y abandonne pour revenir
sur mes pas. Je traverse enfin la place Saint-Michel. Je remonte le
quai Saint-Michel jusqu'au petit square Viviant. Là j'aperçois un couple
enchevêtré sur un banc, je passe plusieurs fois à leur hauteur pour
les regarder, enlacé.
Devant l'église Saint-Julien-Le-Pauvre, un couple sud-américain me demande
un renseignement au sujet d'un concert de Vivaldi qui doit s'y jouer.
Je passe le Pont au Double et pénêtre dans la partie du square Jean
XXIII qui longe la cathédrale sur son flanc droit. Je traverse ensuite
le pont de l'Archevêché pour longer le quai de Tourelle d'où j'aperçois
un jeune couple en train de se photographier. Je descends pour les voir
de plus près. Peu interressant, trop juvéniles. Elle est assez vulgaire
avec cette jupe de daim trop courte et ses bas noirs qui ne mettent
guère ses trop grosses cuisses en valeur.
La Seine a des allures maritimes, des vaguelettes viennent en effet
mourir sur la berge plate de façon régulière et morne. Les mouettes
en nombre sont venues se tremper les pattes. Leurs cris a quelque chose
de marin, et le paysage se transforme facilement, bascule vers la mer.
Le soleil rend le quai d'en face d'un blanc aveuglant.
Je reviens sur mes pas. Je traverse le pont de la Tournelle, et l'île
Saint-Louis. Quai d'Anjou j'aperçois un jeune couple de bleus,
pourrait-on dire, tous deux vêtus de la tête au pieds en jean. Il est
brun, elle est blonde, avec une coupe au carré, les cheveux mi-longs.
Ils s'embrassent contre la rambarde du quai, près du banc où un autre
couple discute lui, à la hauteur de la rue Poulletier. Je m'approche
d'eux sans en avoir l'air, les regardant faire. A leur hauteur, je descends
sur le quai d'où j'essaye de les observer mais ils font attention. Je
m'éloigne vers la pointe de l'île, un autre couple en vue, je m'approche.
Ils m'ont vus. Je remonte. Je les regarde par-dessus la balustrade.
Ils s'en vont. Mais je ne les vois pas remonter. Je retourne sur le
pont Marie. Je me penche comme le héros de ma nouvelle. Je les vois qui
discutent en bas au pied de l'escalier métallique. Elle est grande et
rousse, avec des cheveux très longs bouclés, elle porte une superbe
robe d'un bleu électrique que j'aime, fendue sur le côté. Ils tiennent
chacun à la main leur casque de motos. Une famille à côté d'eux fait
pisser tous leurs enfants. Je les compte : un, deux, trois... Et au
loin le jeune couple qui s'est aperçu de mon manège et qui regarde dans
ma direction. Je décide de faire le tour par l'autre côté du quai d'Anjou
vers le Pont de Sully afin d'essayer de m'en rapprocher, mais je dois
rester trop loin d'eux pour ne pas m'en faire remarquer et je ne vois
rien. Je me sens défait. J'aurais pas dû tourner autour. Il me fallait
rester près d'eux au lieu de chercher un autre point-de-vue. Je rebrousse
chemin. A cette hauteur le quai est inondé.
Je décide d'aller faire un tour au square de Barye. J'entre avec une
foule de petits enfants juifs conduits par une jeune femme brune aux
grands yeux noirs. Elle est assez jolie. Sa grace est éphémère, me dis-je.
Je perçois dans les traits de son visage certains détails qui font aujourd'hui
le charme de ce visage, son caractère, mais qui dans quelques années
seront ses principaux défauts, accentués par le temps, comme subitement
vus à la loupe.
Je revois (sourire en coin) le couple de tout à l'heure avec la rousse
à la robe bleue et son motard en cuir noir et blanc. Ils attendent le
86 à l'arrêt Pont Sully - Quai de Béthune, qui se trouve devant l'entrée
du square. Un jeune couple d'amoureux, tout habillé en jean s'embrasse
sur un banc. Je les regarde à loisir, mais les enfants qui jouent dans
le square les apercevant se mettent à les apostropher : Ah les amoureux
! ah les amoureux !... en s'approchant les uns après les autres
du banc où ils sont enlacés, elle assise sur ses genoux, se blotissant
tendrement contre sa poitrine, en les désignant, pour mieux s'échapper
ensuite en criant et répétant la même phrase aiguë, perçante.
Je me vois faire... Ces enfants me tendent un miroir. T'as vu...
font l'amour, dit même l'un d'entre-eux. Dans leur petit groupe
il y a même une fille d'une huitaine d'années. Et ce n'est pas la moins
virulente de tous. Je les regarde faire. Le couple ne m'intéresse vraiment
plus alors.
Je fais ainsi, m'approche, regarde et au moindre geste du couple m'éloigne,
prends distance. J'allume une cigarette, note Promenade pédestre
dans mon agenda à la date du jour.
Dix minutes plus tard je m'en vais. Je reprends la rue Saint-Louis en
l'île et remonte la rue Poulletier. Mes deux tourtereaux sont toujours
là. Je fais le pied de grue devant une maternelle. Ridicule. Et louche.
Je remonte jusqu'au pont Louis-Philippe. Le ciel est gris. Je traverse.
Je remonte le quai de l'hôtel de ville pour aller au jardin public qui
se trouve non loin. Un couple vient d'y entrer. J'essaye de m'approcher
d'eux mais en vain. Les voies sur berge sont fermées à la circulation.
Le ciel devient noir. Les nuages semblent près à se déchirer sur le
faîte des immeubles environnants. Je décide d'aller m'abriter. Trop
tard, il se met à pleuvoir.
Je me réfugie en courant presque, au café de l'hôtel de ville, près
d'un couple de jeune gens qui s'embrasse et se querellent coup sur coup.
Elle est blonde, cheveux visiblement décolorée, très maquillée, les
yeux et les lèvres comme boursoufflées, un visage entièrement redessinnée
semble-t-il à même la peau, très jeune elle est presque vulgaire, et
lui ne pense qu'à partir. Je me sens très gêné, sans raison. Je me sens
observé. Par qui ? Je ne sais pas. J'ai chaud. J'allume une cigarette.
J'ouvre mon cahier, mais je n'écris rien. Je lis une nouvelle de Sternberg
sans parvenir à vraiment rentrer dedans. Ils s'en vont enfin. J'ai déjà
payé mon café. Je les ai vu partir vers la place de l'hôtel de ville.
Je sors à mon tour. L'air frais au-dehors me fait du bien, sur le visage
de fines goutelletes de pluie me fouette le sang. Je me sens mieux.
Je n'aime plus guère venir dans ce café. Comme le temps change. Je m'y
sens étranger maintenant.
De loin je les aperçois encore. Je me mets à les suivre. Pourquoi pas
? Il ne pleut plus. Nous passons le Pont d'Arcole. Je les dépasse et
les abandonne en biffurquant rue du cloître Notre-Dame. Pont St. Louis.
De là j'aperçois un couple enlacé quai d'Orléans. Je presse le pas.
Ô bonheur ! Il n'y a personne, au bout du quai seulement quelques pêcheurs
à la ligne bien discrets, je peux donc les regarder s'embrasser longuement
sans craindre de regards parasites par-dessus mon épaule. Elle est brune
comme lui, mignonne. Des traits fins. Un air asiatique. Elle me fait
penser à mon premier amour.

Victoria. Cette même fragilité,
et ces yeux noirs sur un visage fin, presque trop fin. Les mêmes cheveux.
Jais. Les cheveux longs. Ils s'embrassent longuement. Je les regarde,
penché au-dessus de la balustrade, les deux mains appuyées à même
la pierre froide et humide, les bras tendus. Je vois leurs deux visages
se chahuter tendrement, leurs langues s'entremêlent à souhait. Je
le vois qui la caresse. Je mets du temps à m'en apercevoir. Elle bouge
son bassin à mesure. Et tout à coup se lève et se met à bouger très
vite sous son geste inexpérimenté, donnant quelques coups de reins
pour pallier à la trop grande douceur de son geste. Véritable coup
de boutoir. Juste au-dessus d'eux. Je vois un instant le ventre de
la jeune fille nue. Il la caresse.
Je les regarde longtemps. Un homme bizarre arrive sur ces entrefaits.
Un voyeur. Lunettes, épais verres, qui veut faire l'air de rien.
Il se place à mes côtés. Nous nous ignorons magnifiquement. L'un et
l'autre pensant que nous n'avons ensemble rien à voir. Longtemps après
elle me voit, mais ils ne bougent pas. Ils continuent. L'homme va
et vient. Je me déplace quand elle m'a vu et change d'endroit pour
les regarder. Et je la vois qui l'embrassant jette des petits coups
d'oeils furtifs dans la direction où je suis apparu tout à l'heure,
quelle naïveté. Et j'aime cette légère infidélité qu'elle lui fait
alors. Ce qu'il ne voit pas. Spectacle qui n'est rien que pour moi.
Personnel. Quelques instants après il se lève et sort de sa besace
un gateau au chocolat. Elle est restée assise sur le bas. Il s'approche
d'elle. Elle colle son visage contre son sexe. Il porte le gateau
à sa bouche, lui en propose un morceau. Elle hésite. Il le laisse
longtemps ainsi devant sa bouche. Elle dit non finalement, et colle
de nouveau son visage sur son sexe, les deux bras passés autour de
ses reins.
Une image encore. Peut-être avant ? Dans cette même position il lui
tend son doigt qu'elle mord un peu et lèche une fois, amusée, un peu
gênée. Je les laisse un instant pour voir si je ne pourrais pas m'en
approcher en passant directement par le quai. Là, je vois un couple
plus agé que le précédent qui descends sur le quai en empruntant l'escalier
en fer qui se trouve plus loin, près du Pont de la Tournelle. Je les
y suis, mais je ne descends pas tout de suite. Je préfère les observer
d'abord à distance. Je reviens les voir au-dessus de la balustrade.
Elle est assise sur le banc en tailleur et lui néttoie le bout de
ses chaussures avec un kleenex. Il lui tend une carte de visite qu'il
a trouvée dans la poche de son manteau alors qu'il cherchait ses mouchoirs
en papier. Je reviens vers l'escalier et les observe de là, immobile.
Ils mettent un peu de temps avant de s'embrasser. Je reviens vers
les plus jeunes. Puis reviens à eux car le voyeur est toujours là.
Ils s'embrassent désormais. Je les regarde par dessus la balustrade.
Leurs langues se mêler. Sa langue à lui souligner le bas de ses lèvres
à elle. Elle est plus jeune que lui. Blonde, coupé assez court très
bouclés. Lui, d'où je suis me fait penser à Gérard, il porte des lunettes
qu'il a enlevé, des cheveux gris. Quel age peut-il avoir ? Trente-cinq
ans ? Elle a un pantalon moulant noir, elle est bien faîte, un corps
bien formé. Je descends sur le quai en essayant de ne pas faire de
bruit. Les marches de l'escalier sont glissantes car humides et minuscules.
Je voudrais me faire invisible. Je marche vers eux, et lorsque je
parviens à leur hauteur, comme ils ne semblent pas m'entendre, tellement
ils sont accaparés par leur baiser, je peux m'arrêter un instant et
les regarder. Mes yeux fixent leurs bouches collées, qui se tordent
sous l'amoureuse pression de l'autre. Je ne vois rien d'autre à cet
instant-là. Je m'arrête presque à leur hauteur. Le temps s'arrête
également. Je m'éloigne d'eux. A quelques mètres d'eux je me retourne
et c'est alors que je les vois défaisant leur étreinte et se rendant
compte que quelqu'un vient de passer devant eux.
Je me rends jusqu'au bout du quai. L'autre couple est toujours là-bas.
Je les observe dans le coin. Mais je les vois assez mal d'où je suis.
Je rebrousse chemin caché par les arbres qui dans leur prolongement
en file me font une cachette et me permettent de m'approcher de l'autre
couple sans m'en faire voir. Ils m'entendent cependant approcher d'eux
cette fois. Je ne les regarde pas. Je remonte l'escalier, et vais
me poster à leur hauteur pour les regarder cette fois plus longuement
par-dessus la balustrade. Ils s'embrassent toujours et en y regardant
mieux je vois les jambes noires de la jeune femme bouger comme électrisées
sous de légers soubresauts. Je trouve la main de l'homme aux cheveux
gris à l'origine de ces faibles secousses. Il la caresse par-dessus
son pantalon. Et puis, elle le caresse à son tour. Il ouvre la braguette
de son pantalon. J'ai du mal à en croire mes yeux. Est-ce possible
? Enfin, j'y serais parvenu. Un jour d'hiver. Incroyable. Il a du
mal à dégager son sexe de son slip. Va-t-il la sortir ? Je me le demande.
Il se lève, regardant partout si on ne les regarde pas, ce qui m'amuse.
Ils ne pensent pas à moi qui suis au-dessus d'eux. Ils regardent à
droite à gauche mais pas un instant ne songent qu'au-dessus d'eux
il y a quelqu'un qui les observe et s'en amuse, et s'en réjouis.
Le voyeur me rejoint. Le portrait-type du voyeur, entre-deux ages,
des lunettes, mal coiffé, des dents de lapin. C'est idiot ce que je
dis, et je le sais d'autant mieux... Mais il m'ennuie à venir ainsi.
Je les ai vus le premier, voilà ce que je pense au fond. Lamentable.
Je fais semblant de ne pas le remarquer. Mon coeur bat, le corps collé
contre la balustrade. Je les regarde faire. Il ajuste son sexe sous
ples plis de son pantalon. Je ne le vois toujours pas. Elle est hésitante.
La tête qui tourne, à droite à gauche pour voir si on ne les regarde
pas. Il insiste visiblement pour qu'elle le branle. D'un geste de
la main la rappelle doucement à l'ordre de son impérieux désir. Je
vois sa main qui s'engouffre à la recherche de son sexe et qui se
met à le caresser. Il ferme sa gabardine pour qu'on ne devine pas
ce qui se passe dessous. Un bateau-mouche passe, elle rit, baisse
la tête. Ils décident de partir.
Mon voyeur est reparti. Je me cache derrière un camion pour voir la
direction qu'ils vont prendre, voulant les suivre. Mais quelle heure
peut-il être ? 17h30 passé. Le voyeur vient dans ma direction en courant,
il semble affolé, il me fait rire, ses grands yeux déformés sous les
verres difformes de ses lunettes par la peur d'être vu, signe que
les deux jeunes sont en train de remonter. Suis-je aussi ridicule
que lui ? Je les évite. Je suis l'autre couple jusqu'au parvis de
Notre-Dame où je crois un instant les avoir perdu de vue. Il y a beaucoup
de monde sur le parvis bruyant de la cathédrale. Que faire ? Je regarde
partout. Ils ne peuvent être qu'à l'intérieur, en déduis-je. Je rentre
et en effet il sont à l'entrée admirant la grande rosace. Ils vont
faire la visite. Je les suis dans la pénombre de la cathédrale et
l'atmosphère de recueillement du lieu. Une messe se prépare visiblement.
Des gens se sont assis dans la travée centrale, et l'on dépalce de
larges panneaux en bois pour apparement canaliser la sortie à la fin
de la messe.
Vont-ils s'y embrasser ? Non, bien sûr. Depuis qu'ils sont remontés
du quai ils ont semble-t-il changés. Je voudrais partir mais je n'arrive
pas à m'y résoudre. Je croise un couple d'amoureux qui se tient enlacé.
Un détail m'attire en eux. Peut-être cette façon indécente de se tenir
dans un pareil lieu ? Il a glissé sa main dans la poche arrière de
son jean. Elle a des fesses rondes, un large cul et des petits seins.
Je décide de les suivre, abandonnant les autres à leur méditation.
Dehors le soleil éclatant m'aveugle. Je les ai perdu de vue. Je crois
les apercevoir entrant dans le square Jean XXIII, mais c'est l'heure
de la fermeture. Coup de sifflets stridants. Ils se chamaillent et
se séparent. Je comprends leur manège. Un instant je crois que je
viens en fait de retrouver le jeune couple de tout à l'heure, la petite
brune et son jeune amant. Mais non, ce n'est qu'une fugitive impression.
Tandis qu'isl passent par le quai intérieur qui longe la Seine sous
l'esplannade Notre-Dame, elle prend par le haut, par le square Charlemagne
et ils se rejoignent finalement de l'autre côté, près de la Préfecture
de Police. Je les vois discuter longuement sur le Petit Pont. Je m'engouffre
dans une cabine téléphonique pour enfin appeler Caroline. Il est
17h55, me dit-elle. Je suis un peu étrange au bout du fil. Je
lui dis que j'ai quelque chose à finir. Etonnant. Je parle comme un
automate. Je ne suis plus qu'un regard. Là je vois le couple du pont
disparaître vers les Halles, tandis que le couple du café de l'hôtel
de ville que je suis surpris de retrouver par ici, je les ai abandonné,
il y a peut-être une heure (je calcule mentalement, 16h30 nous sortions
du café, 17h30 Notre-Dame...) passe à ma hauteur sans même me voir,
bras-dessus, bras-dessous.
Qu'ont-ils bien pu faire depuis tout à l'heure ? En une heure cinq
cent mètres. En sortant de la cabine je retrouve comme par miracle
le couple que j'avais laissé dans la cathédrale. Cela fait beaucoup
de surprise et d'étonnantes coïncidences. Je ne sais plus où donner
de la tête. Ils vont vers la Place Saint-Michel, je les suis sur l'autre
trottoir. Ils entrent dans le café Au départ et s'asseoient en terrasse.
Je me dis que s'il se lève pour aller aux toilettes et qu'elle l'y
rejoint peu après, je rentrerais pour aller à mon tour au toilettes.
Pour les écouter ? Les espionner ? Il se lève mais elle l'attend sagement
en lisant une brochure qu'elle visiblement trouver dans la cathédrale.
18h00.
La bibliothèque Mazarine ? me demande-t-on. Je ne sais pas. Un
peu d'argent ? Non, mais une cigarette volontiers. Merci. Pour
aller à Passy, c'est le RER C. Oui, oui. Par là... Je m'en vais
prendre le RER aux Halles. Une jeune femme de la taille de Caroline,
toute vêtue de noir, passe devant moi et remarque mon regard apparement
insistant et admiratif, je me suis retourné je crois pour mieux la
voir, ceci pouvant expliquer cela. Je la suis jusqu'à la place du
Châtelet. Elle sait que je la suis. Mi-inquiète, mi enjouée. Mi-flattée,
mi gênée. Brune, menue, attirante. Un grain de beauté noire au-dessus
de la lèvre. Je la dépasse enfin rue Saint-Denis. Le suiveur devient
suivi. Le serpent se mord la queue.
Elle va dans la même direction que moi. Le RER. Je souhaite qu'elle
me demande si je vais la suivre longtemps comme ça, mais elle n'en
a rien fait, bien sûr. J'attends de la voir arriver sur le quai par
l'escalier mécanique, mais elle ne vient pas. J'aperçois Caroline
sur le quai du RER, par hasard... Il y a beaucoup de monde sur ce
quai. Nous laissons passer un train, trop chargé, nous prenons le
suivant.
Février 1995
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